Website Ribbon LDP: Les cacas juridico-intellectuels face au triomphe du Daïmon Politicus

vendredi 20 juillet 2007

Les cacas juridico-intellectuels face au triomphe du Daïmon Politicus



Bon, je vais pas, genre gardien du temple comme sur l'image, vous faire le coup de l'énarque dégoûté par l'incompétence juridique en matière de droit constitutionnel des journalistes et des caciques de partis quand ceux-ci hurlent, ou se réjouissent bruyamment quand ils sont de l'autre bord, devant l'omniprésidence de Naboléon (le IIIème d'ailleurs plutôt que le Ier) et la liliputisation politique du pov'Fillon, hyperdirecteur de cabinet dudit Naboléon présumé IIIème.






On entend beaucoup de konneries ces dernières semaines sur ce que devrait être une démocratie parlementaire ou un régime présidentiel. Pas 'présidentialiste' siouplaît, hein, ça c'est pour l'Amérique latine des années '70 et '80 moins Allende. Ah, rapport à Allende, pendant que j'y suis, message à tous les illuminés de l'acacia, enfin mes potes francs-macs, quoi : encensez notre Frère Allende et ses hautes valeurs humanistes autant que vous voulez, mais essayez de ne pas avoir l'air trop con quand un petit futé, en général de droite, un sourire de délectation vicieuse barrant son visage, vous rétorquera "Ah ouais ? Et Pinochet, il était pas un haut dignitaire de la Grande Loge du Chili peut-être ?"



Mais ne digressons pas trop de crainte de voir Le Dieu Pompier (bande de nazes, à votre avis, pourquoi ce blog s'appelle "LDP" ?) sortir sa Divine Lance et effacer à grande eau cette contribution.



Donc, je disais, on entend beaucoup de konneries. Ces konneries se répartissent en deux grandes catégories :


- la catégorie konnerie juridik sur les types de régimes en démocratie où les hystéro-parlementaires tiennent en général une bonne place (ya pas de 49.3 au Royaume-Uni, berceau du parlementarisme comme on dit, vous pensez que ça empêche le gouvernement de passer les lois qu'il veut ?) ;


- la catégorie konnerie politik sur les rôles respectifs du Président et du Premier ministre sous la Vème République (tiens, si on sortait Couve de la naphtaline, par exemple, vous seriez prêts à parier la virginité de votre mère -une vraie sainte, n'en doutons pas- sur son rôle prépondérant en tant que Premier ministre ? Ou sur la marge de manoeuvre décisionnelle face à Mongénéral de notre Michou national -Debré, Michel pas Chez, Michou hein !).


En ce qui concerne la première catégorie, je ne vais pas vous infliger un cours de droit public, no panic (enfin un tout petit peu kan mêm).


Mais sachez que la France de la Vème n'est pas un régime présidentiel. Les Yankees, eux, ont bien un régime présidentiel, dont les principales caractéristiques sont la prépondérance juridique (la nuance est importante pour la suite) du président (le veto législatif par exemple) et la stricte séparation des pouvoirs (le gouvernement ne peut dissoudre le parlement, le parlement ne peut renverser le gouvernement, l'impeachement ne correspondant d'ailleurs pas à ce deuxième critère). Techniquement parlant, la France bénéficie d'un régime parlementaire dont la principale caractéristique réside dans la responsabilité politique du gouvernement et de son chef -qui est le Premier ministre et non pas le Président, article 21 de notre Constitution- devant le parlement, souvent la chambre basse d'ailleurs, et c'est bien le cas chez nous puisque seule l'Assemblée nationale peut renverser le gouvernement, soit en votant une motion de censure, soit en ne votant pas la confiance au Premier ministre lorsque celui-ci la demande. Inversément, le pouvoir exécutif a les moyens de dissoudre l'émanation du pouvoir législatif, donc le parlement, là aussi en général la chambre basse dans les Etats bicaméraux. Ce qui est rigolo, c'est que contrairement à ce que vous pensez certainement tous, les régimes parlementaires se caractérisent donc par une plus grande confusion des pouvoirs alors que les régimes présidentiels se caractérisent par une stricte séparation des pouvoirs, mâtinée d'une capacité d'un pouvoir à bloquer ou freiner l'autre (véto législatif du président des Etats-Unis, ratification des nominations et des traités internationaux par le Sénat américain, Mr. Wilson anybody ?), ça s'appelle les checks and balances. Autant pour le président à mortier (Montesquieu, Charles de - et je fous une baffe au premier qui écrit de Montesquieu, Charles)...


Pour autant, notre Michou national (je rappelle qu'il s'agit bien de Debré, Michel et non pas de Chez, Michou), principal rédacteur de la Constitution de 1958, avait quelques tours dans son sac pour limiter le poids du législatif en s'inspirant largement de ce que l'on appelle, chez les constitutionnalistes, le parlementarisme rationalisé. En résumant, le parlementarisme rationalisé c'est une invention géniale qui transforme les régimes parlementaires en systèmes super stables où la même majorité et le même chef de gouvernement peuvent durer super longtemps sans se faire nucléariser tous les six mois par un petit parti qui fait chier au parlement pour obtenir plus de maroquins (vous savez, genre UDDD dans "Monsieur le Ministre" ou Zentrum sous la République de Weimar) et explose ainsi la coalition gouvernementale, générant une instabilité chronique du pouvoir.


Or dans une France traumatisée par la guerre d'Algérie et l'incapacité de la IVème à gérer la crise, Michou a rationalisé à mort dans un contexte politique favorable pour tailler une Constitution sur mesure à Mongénéral. Il a tellement rationalisé qu'il a inventé les concepts de domaine de la loi (article 34) et de domaine du règlement (article 37), c'est-à-dire les sujets pour lesquels l'un -le parlement- ou l'autre -le gouvernement- sont compétents.



Je schématise un peu et les juristes avertis vont hurler paske-cé-plu-komplikékesa, mais en gros c'est un peu comme ce que disait l'ami Séguin lors du débat sur le traité de Maastricht à propos de la subsidiarité : "Ce qui est à eux est à eux, ce qui est à nous est négociable", le eux étant bien entendu le pouvoir réglementaire (le gouvernement, l'administration, l'Etat dans toute sa majesté) par opposition au législateur (l'Assemblée nationale et le Sénat, les élus ballotés sur l'océan de la politique politicienne). Pour la première fois dans l'histoire de la République, le Parlement était enfermé dans une réserve indienne pour peaux-rouges députés et sénateurs, réserve à la superficie certes immense (loi pénale, état-civil, budget, fiscalité et ainsi de suite), mais délimitée tout de même par des frontières administratives au-delà desquelles c'est l'exécutif qui est décisionnaire.



Rajoutez à ça quelques vacheries de procédure comme le 49.3, le contrôle de l'ordre du jour des deux chambres par le gouvernement via l'ordre du jour prioritaire (art. 48), le droit de veto du gouvernement à la plupart des amendements (art. 44), la possibilité pour le gouvernement de violer l'Assemblée nationale avec son consentement (art. 38, légiférer par ordonnances), et saupodrez le tout d'une bonne dose de Conseil constitutionnel, officiellement investi par la Constitution du rôle de garde-chiourme du parlement afin que ce dernier ne sorte pas de sa réserve indienne (comprenez qu'il ne se permette pas de légiférer sur des matières qui ne seraient pas du domaine de la loi défini à l'article 34 en empiétant sur les matières réservées au pouvoir règlementaire définies à l'article 37).


Ben voilà, aux orties Seyiès et toute la bande, la loi n'a plus de vocation universelle. Manque de bol, sur ce dernier point Michou s'est bien planté puisque le Conseil constitutionnel n'a rien trouvé de plus intelligent que de jeter par-dessus bord son rôle de garde-chiourme en inventant lui-même un concept fumeux de principes à valeur constitutionnelle (les PVC et ils sont plus en acier qu'en nylon, croyez-moi) dans sa jurisprudence jusqu'à se prendre pour le gardien des grandes libertés genre Supreme Court ou Bundesverfassungsgericht, non mais, les petits salopiauds ! Le Conseil constitutionnel, les maoïstes soixante-huitards lui disent merci, Marcellin en bouffe encore son chapeau...



Bref, la Vème a une constitution de parlementarisme supervachement rationalisé, mais bien de la famille des régimes parlementaires. Certains constitutionnalistes parlent de régime "semi-présidentiel" parce que le Président de la République dispose de certains pouvoirs propres (c'est lui et non le gouvernement qui dissout l'Assemblée nationale -art. 12-, pleins pouvoirs en cas de grosse merde -art. 16-, nomination du Premier minisre sans vote parlementaire -art. 8- etc.), mais en réalité ceux-ci sont relativement limités. De fait, on est bien dans un régime parlementaire mais qui fait la part belle au gouvernement (et non au Président) face au parlement. Sauf que c'est ce qu'ont fait à peu près toutes les démocraties européennes après la Seconde guerre mondiale. Michou est juste allé un peu plus loin que les Allemands, les Britanniques ou les Italiens.



Quant à la deuxième catégorie (ouais ouais je sais après toute cette logorrhée zavez oublié, et ben c'est celle de la konnerie politik) sur la fameuse "dyarchie" de la Vème République, c'est très simple. Sur le papier, dans la Constitution, il n'y a pas, je répète, il n'y a pas de dymachin. "HA HA, c'est donc présidentiel !!" me rétorquerez-vous.



Ben non. Le Président dispose d'un certain nombres de pouvoirs propres (dévolus à lui par la Constitution), la nomination du Premier ministre et du gouvernement, la dissolution de l'Assemblée, l'état d'urgence (les pleins pouvoirs de l'article 16), la possibilité de retarder légèrement la promulgation d'une loi et de demander au parlement une seconde délibération, le référendum sur les pouvoirs publics de l'article 11, il est nominalement le chef des armées, il préside le Conseil des ministres... Mais tous ces pouvoirs requièrent en général le contreseing du Premier ministre ou s'exercent sur sa proposition. Ah ? Pas de monarque républicain ? Pas d'omniprésident ?


Bon, je pense que je vais laisser parler la Constitution :

Article 20 :
Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation.


Pigé ? C'est pas le Président. C'est le GOU-VER-NE-MENT. A la rigueur, c'est même pas la personne du Premier ministre, même s'il est vrai que l'article 21 précise bien que "Le Premier Ministre dirige l'action du Gouvernement." Allez, pour que ça vous rentre bien dans le crâne, je vous le refais en rouge :


Article 20 :
Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation.



Mais c'est pas le chef de tout l'appareil d'Etat ? Ben non encore : selon le même article 20, c'est le gouvernement qui "dispose de l'administration et de la force armée". Et c'est le Premier ministre qui "exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires". Lui, c'est clairement le patron du gouvernement et la grand gourou des fonctionnaires.



On nous ment alors ? Flamby délire-t-il quand il sous-entend que Sarko empiète en permanence sur les prérogatives de Fillon ? Ou bien assistons-nous à un "coup d'Etat [présidentiel] permanent" pour reprendre la formule de Mitterand avant qu'il ne soit Tonton ? Le Président serait-il une sorte de Cobra Imperator ?



En fait la réponse est très simple. Et elle n'a pas grand-chose de juridique. Aussi bête que cela puisse paraître, cela dépend des circonstances politiques et non directement du texte de la Constitution.









Sur le plan politique, le pouvoir réel du Président est décuplé lorsqu'il y a concordance entre sa couleur politique et celle de la majorité à l'Assemblée nationale (ne vous fatiguez pas à réfléchir au Sénat, celui-ci est toujours de droite). Ce fut le cas de 1958 à 1986, de 1988 à 1993, de 1995 à 1997 et de 2002 à maintenant. Les politologues appellent cela le fait majoritaire. Excusez-moi, m'sieu-dames, mais ça découle du bon sens : quand le président est du même camp que le chef du gouvernement, comme c'est lui qui était le leader de son camp, le centre de la campagne politique, le vainqueur de l'élection présidentielle, celui qui nomme le Premier ministre le marquant ainsi comme son premier collaborateur, ben c'est lui le chef réel, quoi.


Tout le système politique français repose sur une bipolarisation partisane pour le second tour de la reine de toutes les élections, la présidentielle (et pas "les présidentielles", un seul poste à pourvoir, une seule circonscription, un seul corps électoral, merci !), second tour lors duquel les nuances entre les différentes sensibilités s'estompent pour aboutir à un affrontement droite-gauche (sauf en 1969 et en 2002 évidemment). Le leader politique du camp vainqueur devient le Président et tout l'appareil politico-administratif l'enregistre comme tel et se comporte comme tel.


Cette tendance est renforcée par la réforme du quinquennat qui fait coïncider la calendrier de la présidentielle et des législatives. Il est en effet quasiment impossible pour le camp du perdant à la présidentielle, en mai, de lutter contre l'effet d'entraînement de la victoire du patron du camp adverse, en juin. Les Français ne sont quand même pas débiles, s'ils donnent une majorité au représentant d'un camp ils ne vont pas envoyer une majorité inverse un mois plus tard à l'Assemblée. Cette réforme renforce donc le fait majoritaire en ce qu'il n'y a plus dans le calendrier d'élections législatives qui pourraient se situer à mi-course du mandat du Président. La discordance des calendriers a ainsi permis les fameuses cohabitations de 1986-1988 et de 1993-1995. Celle de 1997-2002 découle plus de la connerie de Villepin, alors secrétaire général de l'Elysée, qui avait convaincu Chirac qu'il était urgent de dissoudre alors que la majorité RPR était écrasante dans l'Assemblée issue de 1993, cela étant dit, la législature arrivait à terme en 1998.


Le pouvoir réel du Président est donc infiniment supérieur à son rôle constitutionnel lorsqu'il y a concordance politique du Président et de l'Assemblée nationale. Dans ce cas de figure, le Premier ministre est cantonné, à des degrés variables certes, au rôle de numéro 2 même s'il est techniquement le chef de la majorité parlementaire. La tradition veut d'ailleurs que tout nouveau Premier ministre fasse son discours de politique générale (qu'il soit issu des législatives ou qu'il y ait eu un changement de gouvernement pendant la législature) et engage la responsabilité de son gouvernement devant l'Assemblée nationale au titre l'article 49.1


Evidemment, vous vous en doutez, c'est l'introduction de l'élection du président au suffrage universel en 1962 (donc quatre ans après le début de la Vème République, Mongénéral a profité de l'effet psychologique suscité par l'attentat du Petit Clamart pour imposer cette élection à laquelle une très large partie de la classe politique, y compris à droite, était farouchement opposée pour des raisons historiques -Napoléon III, le général Boulanger...-) qui a créé ce mécanisme. La médiatisation moderne et la "peoplisation" de la politique française accélèrent encore le mouvement.


Bref, lorsque le Président se retrouve face à une majorité parlementaire hostile, il ne dispose plus que de ses pouvoirs propres parce qu'il ne peut plus exercer son influence sur la majorité des députés et qu'il est contraint de nommer un Premier ministre qui lui est hostile. Rappelez-vous : "Le Président préside, le gouvernement gouverne..." De surcroît, comme même ses pouvoirs propres nécessitent en général un contreseing du Premier ministre, ça ne lui laisse pas une marge énorme... Toutefois, il lui reste son aura médiatique, son habileté, et sa capacité de nuisance sans parler des nominations qui nécessitent aussi la signature du Président. C'est donc donnant-donnant en général. Mais il est clair que le soi-disant "domaine réservé" est une foutaise juridique, il n'apparaît pas de façon contraigante dans le texte constitutionnel qui attribue au Président une sorte de magistère symbolique en tant que chef nominal des armées, d'arbitre et de garant de l'indépendance de la justice (ouarf).



Voilà, on a fini. J'espère que je vous ai bien fait chier avec tout ce barnum circus politico-constitutionnel et que vous avez aimé les quelques screenshots everquestiens agrémentant le texte. Il y en a un qui n'est pas tiré de Everquest, je vous laisse trouver lequel, hi hi.


Version abrégée pour les débiles légers :


  • La France de la Vème République n'est pas un régime présidentiel, mais un régime parlementaire. Ce régime parlementaire est toutefois "rationalisé" à l'extrême, donnant un ascendant certain au gouvernement (mais pas au Président) sur le parlement. Quelques anomalies par rapport à la forme pure du parlementarisme font dire à certains qu'il s'agit d'un régime "semi-présidentiel".

  • Il n'y a pas de dyarchie du pouvoir exécutif en France. Sur le papier, c'est le gouvernement (même pas le Premier ministre ou le Président) qui dirige le pays, même si le Premier ministre est plus qu'un simple primus inter pares. Le Président a quelques pouvoirs propres dont la nomination du Premier ministre et un vague rôle symbolique d'arbitre.


  • Le Président est le patron réel du pays quand il est de la même couleur politique que l'Assemblée nationale en raison du fait majoritaire. Cette tendance est renforcée depuis le quinquennat parce qu'une cohabitation devient fort improbable.

Bref, la Constitution, c'est ce que l'on en fait, c'est la résultante des rapports de force politiques qui épousent un cadre juridique existant et lui donnent leur coloration. Et c'est aussi un peu l'équation personnelle du président en situation de fait majoritaire, comme chez l'Oréal, "parce que je le vaux bien" : Chirac préfèrait prendre de la hauteur et laisser beaucoup de marge à ses chefs de gouvernement, Sarko va jusqu'à recevoir les syndicats à la place de Fillon. Il n'y a pas de président-type ni ne premier ministre-modèle sur le papier. Vous ne trouverez ni l'un ni l'autre dans le texte de Michou, qui définit un certain nombre de mécanismes obligatoires mais qui est très loin de dresser la liste des attributions des deux fonctions.

Tous les cacas juridico-institutionnels du monde ne peuvent rien devant l'inoxydable pouvoir de notre cher Daïmon Politicus, qui reste le meilleur constitutionnaliste au monde depuis la nuit des temps...


Aucun commentaire: