Mais ne digressons pas trop de crainte de voir Le Dieu Pompier (bande de nazes, à votre avis, pourquoi ce blog s'appelle "LDP" ?) sortir sa Divine Lance et effacer à grande eau cette contribution.
Donc, je disais, on entend beaucoup de konneries. Ces konneries se répartissent en deux grandes catégories :
- la catégorie konnerie juridik sur les types de régimes en démocratie où les hystéro-parlementaires tiennent en général une bonne place (ya pas de 49.3 au Royaume-Uni, berceau du parlementarisme comme on dit, vous pensez que ça empêche le gouvernement de passer les lois qu'il veut ?) ;
Pour autant, notre Michou national (je rappelle qu'il s'agit bien de Debré, Michel et non pas de Chez, Michou), principal rédacteur de la Constitution de 1958, avait quelques tours dans son sac pour limiter le poids du législatif en s'inspirant largement de ce que l'on appelle, chez les constitutionnalistes, le parlementarisme rationalisé. En résumant, le parlementarisme rationalisé c'est une invention géniale qui transforme les régimes parlementaires en systèmes super stables où la même majorité et le même chef de gouvernement peuvent durer super longtemps sans se faire nucléariser tous les six mois par un petit parti qui fait chier au parlement pour obtenir plus de maroquins (vous savez, genre UDDD dans "Monsieur le Ministre" ou Zentrum sous la République de Weimar) et explose ainsi la coalition gouvernementale, générant une instabilité chronique du pouvoir.
Or dans une France traumatisée par la guerre d'Algérie et l'incapacité de la IVème à gérer la crise, Michou a rationalisé à mort dans un contexte politique favorable pour tailler une Constitution sur mesure à Mongénéral. Il a tellement rationalisé qu'il a inventé les concepts de domaine de la loi (article 34) et de domaine du règlement (article 37), c'est-à-dire les sujets pour lesquels l'un -le parlement- ou l'autre -le gouvernement- sont compétents.
Je schématise un peu et les juristes avertis vont hurler paske-cé-plu-komplikékesa, mais en gros c'est un peu comme ce que disait l'ami Séguin lors du débat sur le traité de Maastricht à propos de la subsidiarité : "Ce qui est à eux est à eux, ce qui est à nous est négociable", le eux étant bien entendu le pouvoir réglementaire (le gouvernement, l'administration, l'Etat dans toute sa majesté) par opposition au législateur (l'Assemblée nationale et le Sénat, les élus ballotés sur l'océan de la politique politicienne). Pour la première fois dans l'histoire de la République, le Parlement était enfermé dans une réserve indienne pour peaux-rouges députés et sénateurs, réserve à la superficie certes immense (loi pénale, état-civil, budget, fiscalité et ainsi de suite), mais délimitée tout de même par des frontières administratives au-delà desquelles c'est l'exécutif qui est décisionnaire.
Rajoutez à ça quelques vacheries de procédure comme le 49.3, le contrôle de l'ordre du jour des deux chambres par le gouvernement via l'ordre du jour prioritaire (art. 48), le droit de veto du gouvernement à la plupart des amendements (art. 44), la possibilité pour le gouvernement de violer l'Assemblée nationale avec son consentement (art. 38, légiférer par ordonnances), et saupodrez le tout d'une bonne dose de Conseil constitutionnel, officiellement investi par la Constitution du rôle de garde-chiourme du parlement afin que ce dernier ne sorte pas de sa réserve indienne (comprenez qu'il ne se permette pas de légiférer sur des matières qui ne seraient pas du domaine de la loi défini à l'article 34 en empiétant sur les matières réservées au pouvoir règlementaire définies à l'article 37).
Ben voilà, aux orties Seyiès et toute la bande, la loi n'a plus de vocation universelle. Manque de bol, sur ce dernier point Michou s'est bien planté puisque le Conseil constitutionnel n'a rien trouvé de plus intelligent que de jeter par-dessus bord son rôle de garde-chiourme en inventant lui-même un concept fumeux de principes à valeur constitutionnelle (les PVC et ils sont plus en acier qu'en nylon, croyez-moi) dans sa jurisprudence jusqu'à se prendre pour le gardien des grandes libertés genre Supreme Court ou Bundesverfassungsgericht, non mais, les petits salopiauds ! Le Conseil constitutionnel, les maoïstes soixante-huitards lui disent merci, Marcellin en bouffe encore son chapeau...
Bref, la Vème a une constitution de parlementarisme supervachement rationalisé, mais bien de la famille des régimes parlementaires. Certains constitutionnalistes parlent de régime "semi-présidentiel" parce que le Président de la République dispose de certains pouvoirs propres (c'est lui et non le gouvernement qui dissout l'Assemblée nationale -art. 12-, pleins pouvoirs en cas de grosse merde -art. 16-, nomination du Premier minisre sans vote parlementaire -art. 8- etc.), mais en réalité ceux-ci sont relativement limités. De fait, on est bien dans un régime parlementaire mais qui fait la part belle au gouvernement (et non au Président) face au parlement. Sauf que c'est ce qu'ont fait à peu près toutes les démocraties européennes après la Seconde guerre mondiale. Michou est juste allé un peu plus loin que les Allemands, les Britanniques ou les Italiens.
Quant à la deuxième catégorie (ouais ouais je sais après toute cette logorrhée zavez oublié, et ben c'est celle de la konnerie politik) sur la fameuse "dyarchie" de la Vème République, c'est très simple. Sur le papier, dans la Constitution, il n'y a pas, je répète, il n'y a pas de dymachin. "HA HA, c'est donc présidentiel !!" me rétorquerez-vous.
Ben non. Le Président dispose d'un certain nombres de pouvoirs propres (dévolus à lui par la Constitution), la nomination du Premier ministre et du gouvernement, la dissolution de l'Assemblée, l'état d'urgence (les pleins pouvoirs de l'article 16), la possibilité de retarder légèrement la promulgation d'une loi et de demander au parlement une seconde délibération, le référendum sur les pouvoirs publics de l'article 11, il est nominalement le chef des armées, il préside le Conseil des ministres... Mais tous ces pouvoirs requièrent en général le contreseing du Premier ministre ou s'exercent sur sa proposition. Ah ? Pas de monarque républicain ? Pas d'omniprésident ?
Bon, je pense que je vais laisser parler la Constitution :
Article 20 :
Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation.
Pigé ? C'est pas le Président. C'est le GOU-VER-NE-MENT. A la rigueur, c'est même pas la personne du Premier ministre, même s'il est vrai que l'article 21 précise bien que "Le Premier Ministre dirige l'action du Gouvernement." Allez, pour que ça vous rentre bien dans le crâne, je vous le refais en rouge :
Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation.
Mais c'est pas le chef de tout l'appareil d'Etat ? Ben non encore : selon le même article 20, c'est le gouvernement qui "dispose de l'administration et de la force armée". Et c'est le Premier ministre qui "exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires". Lui, c'est clairement le patron du gouvernement et la grand gourou des fonctionnaires.
On nous ment alors ? Flamby délire-t-il quand il sous-entend que Sarko empiète en permanence sur les prérogatives de Fillon ? Ou bien assistons-nous à un "coup d'Etat [présidentiel] permanent" pour reprendre la formule de Mitterand avant qu'il ne soit Tonton ? Le Président serait-il une sorte de Cobra Imperator ?
En fait la réponse est très simple. Et elle n'a pas grand-chose de juridique. Aussi bête que cela puisse paraître, cela dépend des circonstances politiques et non directement du texte de la Constitution.
- La France de la Vème République n'est pas un régime présidentiel, mais un régime parlementaire. Ce régime parlementaire est toutefois "rationalisé" à l'extrême, donnant un ascendant certain au gouvernement (mais pas au Président) sur le parlement. Quelques anomalies par rapport à la forme pure du parlementarisme font dire à certains qu'il s'agit d'un régime "semi-présidentiel".
- Il n'y a pas de dyarchie du pouvoir exécutif en France. Sur le papier, c'est le gouvernement (même pas le Premier ministre ou le Président) qui dirige le pays, même si le Premier ministre est plus qu'un simple primus inter pares. Le Président a quelques pouvoirs propres dont la nomination du Premier ministre et un vague rôle symbolique d'arbitre.
- Le Président est le patron réel du pays quand il est de la même couleur politique que l'Assemblée nationale en raison du fait majoritaire. Cette tendance est renforcée depuis le quinquennat parce qu'une cohabitation devient fort improbable.
Bref, la Constitution, c'est ce que l'on en fait, c'est la résultante des rapports de force politiques qui épousent un cadre juridique existant et lui donnent leur coloration. Et c'est aussi un peu l'équation personnelle du président en situation de fait majoritaire, comme chez l'Oréal, "parce que je le vaux bien" : Chirac préfèrait prendre de la hauteur et laisser beaucoup de marge à ses chefs de gouvernement, Sarko va jusqu'à recevoir les syndicats à la place de Fillon. Il n'y a pas de président-type ni ne premier ministre-modèle sur le papier. Vous ne trouverez ni l'un ni l'autre dans le texte de Michou, qui définit un certain nombre de mécanismes obligatoires mais qui est très loin de dresser la liste des attributions des deux fonctions.
Tous les cacas juridico-institutionnels du monde ne peuvent rien devant l'inoxydable pouvoir de notre cher Daïmon Politicus, qui reste le meilleur constitutionnaliste au monde depuis la nuit des temps...
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