Website Ribbon LDP: Bordel pendant le passage de la flamme olympique à Paris

mercredi 9 avril 2008

Bordel pendant le passage de la flamme olympique à Paris

Nicowar pour Agoravox
La forme. Une armada de policiers, des camionnettes, des bus, un parcours où la flamme est complètement isolée des spectateurs, des manifestants molestés, RSF aux téléphones portables surveillés et aux dirigeants espionnés par la police, des fanions chinois et français autorisés et tibétains interdits, une flamme qui se retrouve enfermée dans un bus à trois reprises, une flamme qui s'éteint, un parcours modifié qui évite la mairie de Paris et qui se termine motorisée. Le fond. L'objet n'est pas ici d'entrer dans ce débat-là : faut-il boycotter les JO, la cérémonie d'ouverture ou ne pas boycotter quoi que ce soit ? Mais dans ce qui s'est passé lors de son parcours officiel en France, on peut retirer du passage sur notre territoire de la flamme olympique dégoût, colère, crainte. Nous sommes ici en France et non en Chine. Et cela mérite quand même de retenir notre attention. Si la Chine est souveraine chez elle - sauf à considérer le droit d'ingérence comme légitime - nous devrions l'être sur notre sol. L'arrivée de ces jeux Olympiques chinois n'est pas une nouveauté. La situation au Tibet n'est pas une nouveauté. Le passage sur notre territoire de la flamme olympique n'est pas une nouveauté. Notre gouvernement avait donc pratiquement un an pour s'y préparer et le chef de l'Etat, étant auparavant ministre de l'Intérieur donc responsable de la sécurité sur notre territoire, plus de trois ans. Parmi les voies à prendre pour cette flamme qui ne peut, à ce jour, porter que celui de haine et non de sport, il y en avait deux. Une risquée et démocratique : ouvrir le débat en France, comprendre les motivations des uns et des autres, discuter, choisir parmi les organisations concernées des responsables, prévoir un plan accepté par tous, autoriser la libre expression du moment qu'elle était pacifique et qu'elle ne troublait pas la manifestation, laisser courir seul avec son flambeau à la main chaque relayeur, avec des spectateurs pas plus contraints que pour un tour de France, redonner du sens au sport et à la dignité, être un pays libre et démocratique. La seconde qui a été choisie est une solution d'affrontement : interdiction de s'exprimer, protection maximale et disproportionnée, bulle parfaitement incongrue, flambeau devenu tout sauf un symbole de l'olympisme puisque non visible et encadré de policiers, un non-sens symbolique. En choisissant de "sécuriser" à outrance le déplacement de la flamme olympique, l'effet fut dévastateur. Dévastateur car quoi de plus effarant que ces images troublantes de rues vides avec un cortège de cars de CRS, de policiers et de pompiers qui étouffe un sportif qui disparaît et dont on n'aperçoit même plus la flamme. Dévastateur de voir des opposants se faire molester. Dévastateur de voir que, malgré tout, ces opposants franchissent ces cordons bien perméables, ce qui prouve en plus du ridicule du système son impuissance. Dévastateur l'effet d'un flambeau protégé dans un car. Dévastateur enfin une flamme qui s'éteint comme un symbole qui disparaît. Ceci sera donc notre honte. Mais notre honte ne s'arrête pas là.
En effet, si les Chinois sont les organisateurs exécutifs des jeux Olympiques, ils ne sont en rien les propriétaires de ces Jeux. De ce fait, ce qui se passe chez eux avec leurs ressortissants les concernent, en revanche le passage de la torche olympique n'est ni leur propriété ni n'entre dans leurs prérogatives. La torche doit passer en France, c'est du ressort du Comité olympique et de la France. De quel droit la France s'est-elle pliée aux exigences chinoises de modifier le trajet, de faire entrer la torche olympique dans le bus ? Par quelle extraordinaire lâcheté la France a-t-elle acceptée ces ordres ? Cela sort du cadre boycott ou non de ces Jeux. Cela entre uniquement dans le cadre d'un Etat de droit. La France n'avait aucunement à se plier aux exigences chinoises. C'est-à-dire que Sarkozy par son demi-sel de porte-parole Kouchner dit que nous n'avons pas de conditions à donner pour assister en Chine à l'ouverture des JO, accepte que la Chine, elle, peut nous imposer sur notre territoire, pour une manifestation internationale dont elle n'est ni l'inventeur ni le garant ni le propriétaire, ses vues. Personne ne peut accepter cette attitude et il faudra bien que le gouvernement s'explique sur son attitude et Sarkozy sur la sienne.
A cette honte et le dégoût qu'il en ressort, c'est l'inquiétude. L'inquiétude que seuls les drapeaux chinois et français aient été autorisés, l'inquiétude forte que les dirigeants de JSF aient été mis sous surveillance, téléphone sur écoute, espionnage de corps. Inquiétude de voir cette organisation martiale en démocratie, inquiétude en plus de l'échec de celle-ci car un échec ne va pas entraîner la remise en cause de sa raison d'être, mais va sans doute en augmenter la quantité les fois prochaines. Surtout quand un président a dix-neuf gardes du corps, surtout quand un candidat qui n'est plus ministre de l'Intérieur bénéficie comme seul candidat de tireurs d'élites qui se positionnent sur les toits lors de ses déplacements. Cette organisation monstrueuse a engendré un monstre. L'image dévastée de l'Olympisme, image dévastée de la sérénité en France, l'image dévastée de la démocratie, image dévastée de la compétence, image dévastée de la tolérance, image dévastée de l'efficacité. On aura beaucoup perdu. La liberté, l'Olympisme, la démocratie, le droit à l'expression. Certains y auront gagné. La Chine qui aura imposé à un pays ses desiderata(e). Peut-être les défenseurs du Tibet qui auront montré leur capacité de nuire et de faire savoir bien que je croie que l'on savait. Ces images, après celles de Londres qui avaient entamé le processus mortifère, auront tué définitivement la symbolique positive de la torche olympique. La faire transiter en France dans ces conditions c'était se mettre entre l'enclume et le marteau, et lorsque l'on s'y met on en ressort aplati et écrabouillé. C'est ce qui s'est passé. Il aurait mieux valu qu'elle ne vint pas ou qu'elle vint libre. La vraie force aurait été sa libre circulation avec le droit à l'expression responsable. C'était un risque. Sarkozy a choisi une autre voie qu'il croyait moins risquée. Au bout de la route c'est l'échec. Total et sans rémission. Attention, je n'ai parlé ici que de ce flambeau et de son triste passage sur notre sol. Ce n'est pas une position pro ou anti-Tibet libre, ce n'est pas une position pro ou anti-boycott. Cet autre débat est aussi ou beaucoup plus important selon son point de vue. Mon propos n'était que de montrer comment la sécurité en dernier ressort, car aucun plan à long terme, aucune concertation, aucune écoute, aucune prévision n'avaient été faites, aboutit à un fiasco complet avec comme honte supplémentaire celle d'avoir courbé l'échine sous un diktat chinois.

2 commentaires:

Ludivine van de Spock a dit…

/applaus

Je suis totalement d'accord. J'ai honte pour la police républicaine, non seulement pour sa brutalité (si même MAM s'excuse...) mais aussi parce qu'elle s'est fait mener littéralement par le bout du nez par des flics en civil chinois.

Songe a dit…

Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à m'étonner de tout ceci ? J'ai la nausée depuis plus de 11 mois.
Le problème, c'est que peu à peu, on s'habitue à la nausée. Comme à tout.